Copyright contre communauté à l'âge des réseaux informatiques (2000)
Transcription d'un enregistrement audio réalisé par Douglas Carnall en juillet 2000.
M. Stallman arrive quelques minutes après l'heure prévue du début de sa conférence pour s'adresser à une assistance silencieuse et respectueuse. Il parle avec une grande précision et presque sans hésitation avec un accent prononcé de Boston.
RMS : Ceci est fait pour quelqu'un qui porte un étrangleur.
[il indique le micro à agrafe du système d'amplification de la salle de conférence]
Je ne porte pas d'étrangleur, alors il n'y a pas de place pour le mettre.
[Il l'accroche à son T-shirt]
Moi : C'est bon pour le micro ?
RMS : Oui ! [irrité] Combien de personnes sont censées me le demander ?
Bon, je suppose que je dois parler aujourd'hui
[longue pause]
sur « copyright contre communauté ». C'est trop fort.
[il indique le micro à agrafe]
Qu'est-ce que je peux faire ?
Voyons… il n'y a pas de contrôle de volume…
[il trouve la commande du volume sur la boîte radio du micro]
Ça paraît mieux.
OK. « Copyright 1 contre communauté à l'âge des réseaux informatiques ». Les principes de l'éthique ne peuvent pas changer. Ils restent les mêmes dans toutes les situations. Mais pour qu'ils s'appliquent quel que soit le sujet ou la situation, on doit regarder les faits pour comparer les alternatives et voir quelles en seront les conséquences. Un changement technologique ne change jamais les principes de l'éthique, mais il peut modifier les conséquences de choix identiques, ce qui peut affecter le résultat concret, comme cela s'est produit dans le domaine du copyright. Nous sommes dans une situation où les changements technologiques ont affecté les facteurs éthiques qui pèsent sur les décisions concernant le droit du copyright, et ont modifié la politique qui est la mieux adaptée à la société.
Ces lois, qui étaient par le passé judicieuses, sont maintenant nocives parce qu'elles ont changé de contexte. Pour l'expliquer, il faudrait remonter au début du monde antique où les livres étaient des œuvres écrites à la main. C'était la seule manière de faire ; quiconque pouvait lire un livre pouvait également en écrire une copie. Il est certain qu'un esclave qui passait sa journée à faire de la copie était théoriquement capable de le faire mieux qu'une personne qui n'en avait pas l'habitude, mais ça ne faisait pas une énorme différence. Essentiellement, celui qui pouvait lire les livres pouvait aussi les copier, à peu près aussi bien que par n'importe quelle autre méthode.
Dans l'Antiquité, il n'y avait pas la nette distinction entre paternité et copie qui tend à prévaloir aujourd'hui.
Il y avait un continuum. D'un côté vous pouviez avoir une personne qui, disons, écrivait une pièce de théâtre. Comme vous pouviez avoir, à l'autre extrême, quelqu'un qui faisait simplement des copies d'un livre. Mais entre les deux, vous pouviez avoir quelqu'un qui, disons, copiait des passages d'un livre en écrivant quelques mots de son cru, ou bien un commentaire ; c'était très courant et tout à fait respectable. D'autres personnes pouvaient copier certaines parties d'un livre, citer des passages de longueurs variées de plusieurs œuvres différentes, et à partir de là construire d'autres œuvres pour en parler davantage, ou s'y référer. Il y a beaucoup d'œuvres anciennes (aujourd'hui perdues) dont certaines parties ont survécu à travers ces citations dans d'autres livres, devenus plus populaires que le livre dont provenait la citation originale.
Il y avait tout un spectre entre l'écriture d'une œuvre originale et sa copie. Beaucoup de livres étaient partiellement copiés et partiellement originaux. Je ne crois pas qu'il y ait eu une quelconque notion de copyright pendant l'Antiquité. Et il aurait été plutôt difficile d'en imposer une, parce que les livres pouvaient être copiés par qui pouvait les lire, n'importe où, à condition de pouvoir se procurer un support d'écriture et une plume pour écrire avec. Ainsi, c'était une situation simple, plutôt claire.
Plus tard, l'imprimerie s'est développée et a considérablement changé la situation. C'était un moyen beaucoup plus efficace de fabriquer des copies de livres, pourvu qu'elles soient toutes identiques. Elle exigeait un équipement spécialisé assez cher qu'un lecteur ordinaire ne pouvait pas posséder. Elle a donc créé de fait une situation dans laquelle les copies n'étaient réalisables que par des entreprises spécialisées, dont le nombre était peu élevé. Il pouvait y avoir quelques centaines d'imprimeries dans un pays où des centaines de milliers, voire des millions de gens savaient lire. Ainsi le nombre d'endroits où des copies pouvaient être faites avait considérablement diminué.
L'idée du copyright s'est développée avec la presse à imprimer. Je pense qu'il peut y avoir… Je me rappelle avoir lu, il me semble, que Venise, un centre important de l'impression au XVIe siècle, avait déjà une sorte de copyright, mais je ne peux pas… je n'ai pas pu retrouver la référence. Quoi qu'il en soit, le système du copyright s'accordait naturellement avec l'imprimerie parce c'était de plus en plus rare qu'un lecteur ordinaire fasse des copies. Cela arrivait encore, cependant ; les gens très pauvres ou très riches possédaient des copies manuscrites de livres. Les gens très riches voulaient étaler leur richesse : ils avaient des manuscrits magnifiquement enluminés pour montrer qu'ils pouvaient se les offrir. Et les gens pauvres recopiaient encore parfois les livres à la main parce qu'ils ne pouvaient pas s'offrir d'exemplaires imprimés. Comme le dit la chanson, « le temps n'est pas de l'argent quand c'est tout ce que vous avez ». Ainsi certaines personnes pauvres recopiaient des livres à la plume, mais pour la plupart les livres étaient fabriqués à la presse par des éditeurs. Le copyright en tant que système convenait bien à ce système technologique. D'une part c'était indolore pour les lecteurs parce que de toute façon ils ne faisaient plus de copies, sauf les gens très riches qui pouvaient vraisemblablement les légitimer, ou les très pauvres qui n'en faisaient qu'un exemplaire unique et que personne n'aurait poursuivi avec des avocats. D'autre part le système était assez facile à faire appliquer parce que, comme je vous l'ai dit, il n'y avait qu'un très petit nombre d'endroits où il devait être appliqué : uniquement les imprimeries. Cela ne nécessitait donc pas, cela n'impliquait pas de lutte contre le public. On ne voyait pas la presque totalité de la population essayer de copier des livres et être menacée d'arrestation pour ça.
Et de fait, non seulement cela ne limitait pas directement ce que pouvait faire le lecteur, mais cela ne lui causait pas trop de désagrément. Le livre coûtait un peu plus cher, mais il ne coûtait pas le double, de sorte que la petite augmentation était indolore pour les lecteurs. Les actions limitées par le copyright étaient des actions qu'on ne pouvait pas faire en tant que lecteur ordinaire, et donc cela ne posait pas problème. C'est pourquoi il n'y avait aucun besoin de dures sanctions pour convaincre les lecteurs de le tolérer et d'obéir.
Le copyright jouait donc le rôle d'une régulation industrielle. Il restreignait les éditeurs et les auteurs mais ne limitait pas le grand public. C'était comme de faire payer un billet pour une traversée en bateau de l'Atlantique. Vous savez, il est facile de percevoir le prix du billet quand les gens prennent le bateau pour des semaines, voire des mois.
Avec le temps, l'imprimerie est devenue plus efficace. Finalement, les gens pauvres n'ont plus été obligés de recopier les livres à la main et cette notion est à peu près tombée dans l'oubli. Je pense que c'est au XIXe siècle que l'imprimerie est devenue suffisamment bon marché pour que la plupart aient les moyens d'acheter des livres imprimés, aussi dans une certaine mesure l'idée que des gens pauvres ait pu copier les livres à la main est sortie de la mémoire collective. Je n'en ai entendu parler qu'il y a dix ans environ quand j'ai commencé à interroger les gens à ce sujet.
En Angleterre à l'origine, le copyright, pour une part, a été voulu comme une mesure de censure : les gens qui voulaient publier des livres devaient obtenir l'autorisation du gouvernement. Mais les idées ont commencé à changer et c'est une tout autre notion qui a été explicitement exprimée dans la constitution des États-Unis. Quand la constitution américaine a été écrite, on a proposé que les auteurs aient droit à un monopole sur la copie de leurs livres. Cette idée a été rejetée. À la place, une idée différente de la philosophie du copyright a été mise dans la constitution : l'idée que le système du copyright pouvait être... l'idée que les gens possédaient un droit naturel à copier, mais que le copyright en tant que frein artificiel à la copie pouvait être autorisé dans l'intention de favoriser le progrès.
D'une manière ou d'une autre le système de copyright aurait été à peu près le même, mais on avait là un exposé de l'objectif censé le justifier. Il est explicitement défini comme un moyen de favoriser le progrès et non un droit que posséderaient ses titulaires. Ce système est censé modifier le comportement des titulaires de copyrights à l'avantage du public, avantage qui se concrétise par l'écriture et la publication de plus de livres. La finalité du système est de promouvoir le progrès de la civilisation, la propagation des idées, et c'est en tant que moyen à cet effet que le copyright existe. Il peut aussi être considéré comme un marché entre le public et les auteurs, à savoir que le public renonce à son droit naturel de faire des copies, en échange du progrès qu'apporte indirectement le fait d'encourager un plus grand nombre de gens à écrire.
Cela dit, il peut sembler bizarre de demander : « Quel est le but du copyright ? » Mais connaître le but d'une activité est une chose essentielle pour décider si cette activité a besoin d'être modifiée, et comment. Si vous perdez de vue son objectif, vous êtes sûr de vous tromper. Or, depuis que cette décision a été prise, les auteurs, et plus près de nous les éditeurs en particulier, ont essayé de la dénaturer et de la balayer sous le tapis. Il y a eu des décennies de campagne pour tenter de répandre l'idée qui a été rejetée dans la constitution des États-Unis, l'idée que le copyright a été conçu comme un droit accordé à ses titulaires. Et vous pouvez la retrouver dans presque tout ce qu'ils disent à ce sujet commençant et se terminant par le mot « pirate » – mot utilisé pour donner l'impression que faire une copie non autorisée est l'équivalent moral d'une attaque de bateau et du kidnapping et du meurtre des personnes à bord.
Si vous regardez les déclarations qui sont faites par les éditeurs vous trouverez un bon nombre de postulats de ce genre que vous devez mettre en lumière et commencer à interroger.
Récents événements et problèmes
[il s'éclaire]
Quoi qu'il en soit, aussi longtemps qu'a duré l'âge de l'imprimerie, le copyright était indolore, facile à faire appliquer, et c'était probablement une bonne idée. Mais l'âge de l'imprimerie a commencé à évoluer il y a quelques décennies quand des choses comme les machines Xerox et les magnétophones sont apparues sur le marché ; plus récemment, quand les réseaux informatiques sont devenus opérationnels, la situation a changé de manière drastique. Nous sommes aujourd'hui dans une situation technologique plus proche de celle de l'Antiquité, où quiconque pouvait lire quelque chose pouvait aussi en faire une copie, dont la qualité n'avait rien à envier à celles de n'importe qui d'autre,
[murmures dans l'assistance]
une situation où, à nouveau, les lecteurs ordinaires peuvent faire des copies eux-mêmes. Il n'est plus nécessaire de passer par une production de masse centralisée comme avec l'imprimerie. Ce changement technologique modifie la situation dans laquelle le droit du copyright s'exerce. La transaction se basait sur l'idée que le public cédait son droit de faire des copies contre un avantage. Bon, une affaire peut être bonne ou mauvaise, cela dépend de la valeur de ce à quoi on renonce et de la valeur de ce qu'on obtient. À l'âge de l'imprimerie, le public a cédé une liberté dont il ne pouvait pas faire usage.
C'est comme trouver un moyen de vendre de la merde : qu'avez-vous à perdre ? Vous l'avez à disposition de toute manière. Si vous trouvez le moyen de la négocier, cela ne peut pas être une mauvaise affaire.
[rires tièdes]
C'est comme accepter de l'argent en retour de votre promesse de ne pas voyager vers une autre étoile. Vous n'allez pas le faire de toute façon,
[rires abondants]
du moins pas de votre vivant. Donc si quelqu'un vous paie pour que vous promettiez de ne pas voyager vers une autre étoile, vous pouvez très bien faire affaire. Mais si je vous offrais un astronef, vous pourriez ne plus penser que c'était une bonne affaire. Lorsque vous découvrez un usage à la chose inutile que vous vous aviez l'habitude de vendre, alors vous devez remettre en question l'opportunité des anciennes transactions dont vous tiriez avantage. Typiquement dans une telle situation vous décidez : « Je ne vais plus tout vendre de ce que j'ai. Je vais en garder une partie et m'en servir. » Si vous aviez l'habitude de troquer une liberté dont vous ne pouviez rien faire, mais qu'à présent vous pouvez l'exercer, vous aurez sans doute envie de vous réserver au moins le droit de l'exercer partiellement. Vous pourriez encore négocier une partie de cette liberté : il y a de nombreuses alternatives, différentes transactions qui échangent une partie de la liberté tout en la maintenant sur d'autres plans. Ainsi, ce que vous voulez faire précisément exige une réflexion, mais dans tous les cas vous voudrez remettre en question l'ancienne transaction et probablement vendre une quantité moindre de ce vous vendiez auparavant.
Or les éditeurs essayent de faire exactement l'opposé. Au moment même où l'intérêt du public est de se réserver une partie de liberté afin de l'exercer, les éditeurs font passer des lois qui nous demandent d'y renoncer davantage. Vous avez vu que le copyright n'a jamais été prévu pour être un monopole absolu sur les utilisations d'une œuvre. Il couvrait quelques utilisations et pas d'autres, mais ces derniers temps les éditeurs ont fait pression pour l'étendre de plus en plus loin, pour finir dernièrement avec des choses comme la loi sur le copyright du millénaire numérique [Digital Millennium Copyright Act] aux États-Unis. Cette loi, ils essayent aussi de la transformer en traité à travers l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), une organisation représentant essentiellement les détenteurs de copyrights et de brevets, qui travaille à augmenter leur pouvoir en prétendant le faire au nom de l'humanité plutôt qu'au nom de ces sociétés particulières.
Maintenant, qu'est-ce qui arrive lorsque le copyright commence à limiter des activités que les lecteurs ordinaires peuvent faire ? Eh bien, d'une part ce n'est plus une régulation industrielle ; cela devient une exigence imposée au public. D'autre part, et pour cette raison, vous verrez le public commencer à s'y opposer. Vous savez, quand on demande à des gens ordinaires d'arrêter de faire des choses qui sont naturelles dans leur vie, ils refusent d'obéir. Ce qui signifie qu'il n'est plus aussi facile d'imposer le copyright, et c'est pourquoi vous voyez des punitions de plus en plus dures être adoptées par des gouvernements qui, essentiellement, servent les éditeurs plutôt que le public.
On doit aussi se demander en quoi un système de copyright est encore bénéfique. En gros, ce que nous avons donné en paiement a maintenant de la valeur pour nous ; peut-être que la transaction est devenue une mauvaise affaire. Tout ce qui rendait le copyright facilement compatible avec la technologie de l'imprimerie le rend difficilement compatible avec les technologies numériques. C'est comme si, au lieu de faire payer pour traverser l'Atlantique en bateau, on faisait payer pour traverser la rue. Et c'est très embêtant, parce que les gens traversent sur toute la longueur de la rue, et les faire payer c'est plutôt galère.
Nouveaux types de copyright
Voyons maintenant quelques-uns des changements que nous pourrions apporter à la loi sur le copyright pour l'adapter à la situation dans laquelle se trouve le public. Un changement radical pourrait être de la supprimer, mais ce n'est pas le seul choix possible. Il y a diverses situations dans lesquelles nous pourrions réduire la puissance du copyright sans le supprimer totalement, parce qu'il y a plusieurs actions différentes qu'on peut faire avec un copyright et il y a diverses situations dans lesquelles on peut les faire ; chacune d'entre elles est un sujet indépendant. Le copyright doit-il les couvrir ou non ? En outre, il y a la question de savoir pour combien de temps. Le copyright, beaucoup plus court à l'époque que de nos jours dans sa période ou sa durée, a été prolongé à plusieurs reprises au cours des cinquante dernières années. Il apparaît maintenant que les détenteurs de copyright ont en fait pour projet de continuer à l'étendre jusqu'à ce qu'il n'expire plus jamais. La constitution des États-Unis dit que « le copyright doit exister pour un temps limité » mais les éditeurs ont trouvé une manière de la contourner : tous les vingt ans ils le prolongent de vingt ans, et de cette façon aucun copyright n'expirera plus jamais. Dans mille ans, le copyright pourrait durer 1200 années, en fait juste assez pour que le copyright sur Mickey ne puisse pas expirer.
Parce que c'est la raison pour laquelle, à en croire les gens, le Congrès américain a passé une loi pour prolonger le copyright de vingt ans. Disney les a payés – et a payé le Président aussi, avec des fonds de campagne évidemment – pour rendre ça légal. Voyez-vous, s'ils avaient juste payé en liquide, cela aurait été une infraction, mais contribuer indirectement aux campagnes est légal et c'est ce qu'ils font : acheter les législateurs. C'est ainsi qu'ils ont adopté la loi « Sonny Bono » sur le copyright. Maintenant ce qui est intéressant, c'est que Sonny Bono était membre du Congrès et membre de l'Église de scientologie, qui utilise le copyright pour supprimer l'information concernant ses activités. Ainsi, ils ont leur petit chouchou au Congrès et ont fait une pression énorme pour accroître les pouvoirs du copyright.
Quoi qu'il en soit, nous avons eu la chance que Sonny Bono décède, mais en son nom ils ont passé la loi sur le copyright de Mickey, en 1998 je crois. Elle est remise en question cela dit, en raison de l'existence d'une possibilité juridique de voir les demandes d'extension de copyrights anciens rejetées par la Cour suprême. En tout cas, il y a un tas de situations et de cas différents où nous pourrions réduire la portée du copyright.
Examinons-en quelques-uns. Eh bien tout d'abord, il y a plusieurs contextes différents pour la copie. Il y a d'un côté la vente commerciale de copies dans des magasins, et de l'autre il y a la copie privée pour un ami de temps à autre. Entre les deux il y a d'autres choses comme la radio- ou télédiffusion, la publication sur le web, la distribution collective dans une organisation. Certaines de ces choses peuvent être faites de façon commerciale ou non commerciale. En effet, vous pouvez imaginer une entreprise qui distribue des exemplaires à son personnel ou alors vous pouvez imaginer une école ou quelque organisation privée non commerciale qui le fasse – différentes situations que nous n'avons pas à traiter toutes de la même manière. Aussi la façon dont nous pourrions récupérer le… En général, pourtant, les activités qui sont les plus privées sont les plus importantes pour notre liberté et notre façon de vivre, tandis que les plus publiques et commerciales sont les plus utiles pour procurer quelque revenu aux auteurs. C'est donc une situation naturelle de compromis dans lequel les limites du copyright se placent quelque part entre les deux, de sorte qu'une part substantielle de l'activité reste couverte et fournisse toujours un revenu aux auteurs, tandis que celle qui relève le plus directement de la vie privée des gens redevient libre. C'est ce genre de chose que je propose de faire lorsque le copyright s'applique à des romans, des biographies, des mémoires, des essais, etc. Qu'au strict minimum, les gens aient toujours le droit de partager une copie avec un ami. C'est quand les gouvernements doivent empêcher ce genre d'activités qu'ils sont obligés de s'introduire dans la vie privée des gens et user de punitions sévères. La seule façon d'empêcher les gens de partager dans leur vie privée c'est avec un état policier, mais les activités commerciales et publiques peuvent être régulées de façon beaucoup plus facile et indolore.
Maintenant, l'endroit où nous devons tracer ces limites dépend, je crois, du type d'œuvre. Différentes œuvres répondent à différents besoins pour leurs utilisateurs. Jusqu'à présent, nous avons eu un système de copyright qui traitait presque tout de la même manière excepté la musique : il y a beaucoup d'exceptions légales pour la musique, mais il n'y a aucune raison de placer la simplicité au-dessus des conséquences pratiques. Nous pouvons traiter les œuvres de différents types de manière différente. Je propose une classification générale en trois types : les œuvres fonctionnelles, les œuvres qui expriment une opinion personnelle et les œuvres essentiellement esthétiques.
Les œuvres fonctionnelles comprennent : les logiciels, les recettes, les manuels, les dictionnaires et autres ouvrages de référence, tout ce que vous utilisez pour faire votre travail. Pour les œuvres fonctionnelles, je pense que les gens ont besoin d'une liberté très étendue, y compris la liberté de publier des versions modifiées. Aussi tout ce que je dirai demain à propos des logiciels s'applique de la même façon aux autres sortes d'œuvres fonctionnelles. Ce critère de la liberté – parce qu'il est nécessaire d'avoir la liberté de publier une version modifiée – ce critère signifie que nous devons nous débarrasser presque totalement du copyright. Mais le mouvement du logiciel libre est en train de prouver que le progrès que veut la société, la soi-disant justification du copyright, peut se produire d'une autre manière. Nous n'avons pas à renoncer à ces importantes libertés pour avoir le progrès. Aujourd'hui, les éditeurs nous demandent toujours de poser en principe qu'il n'y a aucune possibilité de progrès sans renoncer à ces libertés fondamentales. Et la chose la plus importante pour le mouvement du logiciel libre est, je pense, de prouver que leur postulat est injustifié.
Que dans tous ces domaines on puisse apporter le progrès sans stopper les gens avec les restrictions du copyright,2 je ne peux pas dire que j'en sois sûr, mais ce que nous avons prouvé, c'est que nous avons une chance. Ce n'est pas une idée ridicule ; elle ne doit pas être écartée. Le public ne doit pas partir du principe que la seule façon d'obtenir le progrès est d'avoir le copyright. Mais même pour ce type d'œuvres il peut y avoir certains systèmes intermédiaires de copyright qui donnent aux gens la liberté de publier des versions modifiées. Regardez par exemple, la GNU Free Documentation License (licence GNU de documentation libre) utilisée pour rendre les livres libres. Elle permet à n'importe qui de faire une version modifiée et d'en vendre des copies, mais elle exige de donner crédit aux auteurs et éditeurs d'origine d'une façon qui leur donne un avantage commercial, et ainsi, je crois, rende possible la publication commerciale de manuels libres. Et ça fonctionne, les gens se mettent à l'appliquer au commerce. La Free Software Foundation a vendu un bon nombre d'exemplaires de divers livres libres pendant presque quinze ans maintenant ; pour nous, cela a été un succès, bien que les éditeurs commerciaux commencent à peine à essayer cette approche particulière. Mais je crois que même pour les œuvres fonctionnelles où la liberté de publier des œuvres modifiées est essentielle, un genre de copyright intermédiaire peut être négocié, qui laisse à chacun cette liberté.
Pour les œuvres des autres types, les questions d'éthique s'appliquent différemment, parce que ces œuvres sont utilisées différemment. La seconde catégorie est celle des œuvres qui expriment la position de quelqu'un, ou ses points de vue, ou son expérience. Par exemple, essais, propositions commerciales, déclarations de point de vue juridique, mémoires, tout ce qui dit – dont le sujet est de dire – ce que vous pensez, ce que vous voulez ou ce que vous aimez. Les revues littéraires, les revues gastronomiques sont aussi dans cette catégorie : elles expriment une opinion personnelle, un point de vue. Pour ce type d'œuvres, faire une version modifiée n'est pas utile. Aussi, je ne vois aucune raison que les gens aient la liberté de publier des versions modifiées de ces œuvres. Il est suffisant que les gens aient la liberté d'en faire une copie intégrale [verbatim]. C'est pourquoi nous pouvons envisager que la liberté de distribuer des copies ne s'applique que dans certaines situations. Par exemple, si c'était limité à la distribution non commerciale ce ne serait pas mal, je pense. La vie des citoyens ordinaires ne serait plus affectée, mais les éditeurs seraient toujours soumis au copyright.
[il boit de l'eau]
Cela dit, je pensais que peut-être il serait suffisant de permettre aux gens la redistribution occasionnelle de copies en privé. Je pensais que peut-être ce serait acceptable que toute la redistribution publique de ces œuvres continue à être limitée par le copyright, mais l'expérience de Napster m'a convaincu que non : elle a montré que beaucoup, beaucoup de gens veulent redistribuer publiquement – redistribuer publiquement mais pas commercialement – et que c'est très utile. Et si c'est si utile, c'est une erreur d'empêcher les gens de le faire. Mais il serait encore acceptable je pense, de limiter la redistribution commerciale de ces œuvres, parce que ce serait juste une régulation industrielle et ça ne bloquerait pas les activités utiles que les gens devraient avoir la possibilité de faire avec ces œuvres.
Ah oui, les articles scientifiques… ou les articles érudits en général, tombent également dans cette catégorie parce que la publication de versions modifiées n'est pas une bonne chose : cela revient à falsifier le document ; ils devraient donc être distribués uniquement dans leur intégralité. Les articles scientifiques devraient être redistribuables librement par n'importe qui, parce que nous devrions encourager leur redistribution ; j'espère que vous n'accepterez jamais de publier un article scientifique d'une façon qui limiterait sa redistribution intégrale sur le net. Dites à la revue que vous refusez de faire cela.
Les revues scientifiques sont en effet devenues un obstacle à la diffusion des résultats scientifiques. Elles en étaient un mécanisme nécessaire, maintenant elles ne sont rien d'autre qu'une entrave. Et ces revues qui limitent l'accès et limitent la redistribution doivent être supprimées. Elles sont les ennemies de la diffusion de la connaissance ; elles sont les ennemies de la science, et cette pratique doit cesser.
Voyons maintenant la troisième catégorie d'œuvres, qui est celle des œuvres esthétiques, dont l'utilisation principale est d'être appréciée : romans, pièces de théâtre, poésies, dessins très souvent, ainsi que la plus grande partie de la musique. Elles sont typiquement faites pour être appréciées. Elles ne sont pas fonctionnelles ; les gens n'ont pas besoin de les modifier ni de les améliorer, comme c'est le cas avec les œuvres fonctionnelles. Aussi c'est une question difficile : est-ce essentiel que les gens aient la liberté de publier des versions modifiées d'une œuvre esthétique ? D'une part vous avez des auteurs qui font preuve de pas mal d'égotisme et disent:
[accent anglais, gestuelle dramatique]
« Oh, c'est ma création. »
[retour à Boston]
« Qui oserait en changer une ligne ? » D'un autre côté, vous avez le processus folklorique qui prouve qu'une série de personnes modifiant un travail de façon séquentielle, ou peut-être même en parallèle et en comparant alors les versions, peut produire quelque chose d'extrêmement riche. De cette manière ont été produites non seulement de belles chansons et de courtes poésies, mais même de longues épopées. Il fut un temps, avant que la mystique de l'artiste créateur – figure semi-divine – ait tant de pouvoir, où même de grands écrivains ont retravaillé des histoires qui avaient été écrites par d'autres. Certaines pièces de Shakespeare nouent des intrigues tirées d'autres pièces écrites souvent quelques décennies auparavant. Si les lois contemporaines sur le copyright avaient été effectives, ils auraient appelé Shakespeare « pirate » pour avoir écrit ainsi une partie de son œuvre magnifique. Naturellement vous auriez entendu les autres auteurs:
[accent anglais]
« Comment ose-t-il changer une ligne de ma création. Il est impossible de faire mieux. »
[rire étouffé de l'assistance]
Vous entendrez des gens ridiculiser l'idée exactement dans ces termes. Bien. Je ne suis pas sûr de ce que nous pourrions faire à propos de la publication de versions modifiées des œuvres esthétiques. Une des possibilités est de faire comme dans la musique, où n'importe qui peut réarranger et jouer un morceau. On peut avoir à payer pour ça, mais on n'a pas à demander la permission de l'exécuter. Peut-être que pour la publication commerciale de ces œuvres, modifiées ou non, si on gagne de l'argent avec, on pourrait devoir payer une certaine somme. C'est une possibilité. C'est une question difficile que de savoir quoi faire au sujet de la publication de versions modifiées de ces œuvres esthétiques, et je n'ai pas de réponse dont je sois entièrement satisfait.
Membre de l'assistance n° 1 (MA1) : question inaudible.
RMS : Permettez-moi de répéter la question parce qu'il l'a dite tellement vite que vous ne pouviez sûrement pas la comprendre. Il a dit « Dans quelle catégorie rentrent les jeux d'ordinateur ? » Bien, je dirais que le moteur de jeu est fonctionnel et que le scénario est esthétique.
MA1 : Et les graphismes ?
RMS : Ceux-ci font probablement partie du scénario. Les images spécifiques font partie du scénario ; elles sont esthétiques, tandis que le logiciel pour visualiser les scènes est fonctionnel. Ainsi je dirais que si l'on combine l'esthétique et le fonctionnel en une seule et même chose continue, alors le logiciel doit être traité comme fonctionnel. Mais si l'on est disposé à séparer le moteur du scénario alors il serait légitime de dire, eh bien, que le moteur est fonctionnel mais le scénario esthétique.
Copyright : les solutions possibles
Voyons maintenant combien de temps le copyright devrait durer. Eh bien de nos jours la tendance dans l'édition est, en ce qui concerne les livres, de sortir du copyright de plus en plus vite. Aujourd'hui aux USA, la plupart des livres publiés sont épuisés en moins de trois ans. Ils ont été soldés et retirés de la vente. Ainsi il est clair qu'on n'a pas vraiment besoin que le copyright dure, disons, 95 ans ; c'est ridicule. En fait, il est clair qu'un copyright de dix ans serait suffisant pour que l'activité de l'édition tienne le coup ; mais dix ans à partir de la date de publication. On comprendrait que puisse être accordée une période additionnelle avant la publication, ce qui amènerait au-delà des dix ans ; comme vous le voyez, aussi longtemps que le livre n'a pas été publié, son copyright ne limite pas le public. Cela revient juste à donner à l'auteur le temps de le faire publier. Mais je pense qu'une fois le livre publié, le copyright devrait opérer pendant environ dix ans, et c'est tout.
Cela dit, j'ai proposé ça une fois dans un débat où les autres personnes étaient toutes des auteurs. Et l'un d'entre eux a dit : « Dix ans de copyright ? Mais c'est ridicule ! Tout ce qui dépasse cinq ans est intolérable. » C'était un auteur primé de science-fiction, qui se plaignait de la difficulté de « retrouving », de retirer – c'est drôle, des mots de français s'infiltrent dans mon anglais – de, de récupérer ses droits auprès de l'éditeur qui avait laissé ses livres s'épuiser pour des raisons pratiques, mais qui traînait des pieds pour obéir au contrat stipulant que quand un livre est épuisé, les droits retournent à l'auteur.
Les éditeurs traitent les auteurs de façon épouvantable, il faut le savoir. Ils exigent toujours plus de pouvoir au nom des auteurs ; ils emmènent avec eux un petit nombre d'auteurs à grand succès, très connus – qui ont tant de poids dans la négociation qu'ils peuvent obtenir des contrats très favorables – pour confirmer que ce pouvoir est vraiment dans leur intérêt. En attendant, la plupart des auteurs qui ne sont pas célèbres, ne sont pas riches et n'ont pas de poids particulier, sont traités de façon épouvantable par l'industrie de l'édition, et c'est encore pire dans la musique. Je recommande à tous de lire l'article de Courtney Love ; il est dans le magazine Salon, c'est ça ?
MA2 : (Membre de l'assistance n° 2) Oui
RMS : Elle commence en appelant les maisons de disque « pirates » pour la façon dont elles traitent les musiciens. Quoi qu'il en soit, nous pouvons raccourcir le copyright plus ou moins. Nous pourrions essayer diverses durées, nous pourrions regarder, nous pourrions découvrir empiriquement quelle durée de copyright est nécessaire pour que la publication reste vigoureuse. Puisque la plupart des livres sont épuisés au bout de dix ans, il me semble évident que dix ans devraient être suffisant. Mais il n'en est pas nécessairement de même pour tous les types d'œuvres. Par exemple, peut-être que certains aspects du copyright sur les films pourraient durer plus longtemps, comme les droits de vendre tout cet attirail de produits utilisant les images et les personnages. Vous savez, c'est tellement grossièrement commercial que cela ne fait rien si c'est limité à une seule société dans la plupart des cas. Pour les films eux-mêmes, il est peut-être légitime que le copyright dure vingt ans. En attendant, pour le logiciel, je pense qu'un copyright de trois ans serait suffisant. Vous voyez, si chaque version d'un programme conserve un copyright pendant trois ans après sa sortie, à moins que la société ne soit en très mauvaise posture, elle devrait avoir une nouvelle version avant que les trois ans ne soient écoulés et il devrait y avoir beaucoup de gens désireux de l'utiliser. Donc, si les anciennes versions devenaient automatiquement libres, elle continuerait quand même à faire des affaires avec la nouvelle. Cela dit, tel que je le vois, c'est un compromis parce que c'est un système où tous les logiciels ne sont pas libres. Mais ce serait un compromis acceptable après tout, si nous devions attendre trois ans dans certains cas pour que les logiciels deviennent libres… Bon, ce ne serait pas un désastre. Utiliser des logiciels vieux de trois ans n'est pas un désastre.
MA3 : Ne pensez-vous pas que c'est un système qui encouragerait l'inflation de fonctionnalités inutiles ?
RMS : [désinvolte] Ah, c'est OK. C'est un effet secondaire mineur, comparé au fait que cela favorise la liberté. Chaque système entraîne quelques déviations artificielles dans ce que font les gens, et notre système actuel favorise certainement diverses sortes de déviations artificielles dans l'activité couverte par le copyright. Si donc un système, parce qu'il change, favorise aussi quelques déviations secondaires, ce n'est pas une grosse affaire, je dirais.
MA4 : Le problème avec ce changement des lois sur le copyright pour le ramener à trois ans, c'est que vous n'obtiendriez pas les sources.
RMS : Exact. Il y aurait là aussi une condition : une loi
qui dirait que pour pouvoir vendre des exemplaires d'un logiciel au public,
le code source doit être déposé quelque part de sorte que trois ans plus
tard il puisse être libéré. Ainsi il pourrait être déposé à la bibliothèque
du Congrès aux États-Unis ; et je pense que d'autres pays ont des
établissements semblables où des exemplaires des livres publiés prennent
place. Ils pourraient également accueillir le code source et après trois
ans, le publier. Et naturellement, si le code source ne correspondait pas à
l'exécutable il y aurait fraude. En fait si cela correspond vraiment, on
doit pouvoir très facilement le vérifier dès que le travail est
publié. Ainsi, vous publiez le code source et quelqu'un par là-bas dit :
« Très bien… “./configure
; make
” » et voit
si cela produit les mêmes exécutables, et hue.
Mais vous avez raison, éliminer le copyright ne rendrait pas le logiciel free.
MA5 : Heu… « libre ».3
RMS : Exact. C'est dans ce seul sens que j'emploie le terme. Cela n'aurait pas cet effet, parce que le code source pourrait ne pas être disponible, ou bien ils pourraient tenter d'user de contrats pour restreindre les utilisateurs. Libérer le logiciel n'est pas aussi simple que de mettre fin au copyright sur le logiciel : c'est une situation plus complexe que ça. En fait, si le copyright sur le logiciel était simplement supprimé, nous ne pourrions plus utiliser le copyleft pour protéger le statut libre d'un programme. Entre-temps, les « privatifieurs » de logiciel [software privateers] pourraient utiliser d'autres méthodes – des contrats ou des dissimulations de la source – pour rendre le logiciel privateur.4 Ça pourrait signifier que, si nous publions un programme libre, quelque bâtard avide pourrait en faire une version modifiée et n'en publier que les binaires, puis obliger les gens à signer des clauses de confidentialité. Nous n'aurions plus les moyens de les arrêter. Donc, si nous voulions changer la loi pour que tout logiciel publié devienne libre, nous devrions le faire de façon encore plus complexe. Pas simplement en changeant le copyright sur le logiciel.
Ainsi, globalement je recommande que nous examinions les divers types d'œuvres et leurs divers usages pour chercher un autre endroit où tracer la limite : celui qui donnerait au public les libertés essentielles pour se servir des œuvres de chaque type, tout en maintenant si possible une sorte de copyright indolore pour le grand public qui soit toujours un avantage pour les auteurs. De cette façon, nous pouvons adapter le système du copyright au contexte dans lequel nous nous trouvons et faire qu'il n'exige pas de mettre des gens en prison pour des années parce qu'ils auront partagé avec leurs amis, tout en continuant à encourager de diverses manières les auteurs à écrire plus. Nous pouvons également, je crois, chercher d'autres façons d'encourager l'écriture, d'autres façons de faciliter la rémunération des auteurs. Par exemple, supposez que la reproduction intégrale d'une œuvre soit autorisée et supposez que cette œuvre soit fournie avec un dispositif de ce style : lorsque vous êtes en train de jouer l'œuvre, ou de la lire, il y a une boîte de dialogue sur le côté qui dit : « Cliquez ici pour envoyer un dollar à l'auteur ou au musicien, ou autre. » Je pense que dans les parties les plus riches du monde beaucoup de gens enverraient ce dollar parce que souvent les gens adorent les auteurs ou les musiciens qui ont créé ce qu'ils ont aimé lire ou écouter. Notez que la part des royalties qui leur revient actuellement est si faible que si vous payez vingt dollars, ils n'en obtiendront pas plus d'un de toute façon.
On aura ainsi un système bien plus efficace. Et le bonus, c'est que lorsque les gens redistribueront ces copies, ils aideront l'auteur en faisant ce qui revient à de la publicité pour lui, en diffusant autour d'eux les raisons de lui envoyer un dollar. Actuellement, la raison principale pour laquelle il n'y a pas plus de gens qui envoient de l'argent directement aux auteurs, c'est que c'est embêtant. Qu'allez-vous faire ? Envoyer un chèque ? Alors à qui allez-vous l'expédier ? Il va falloir dénicher leur adresse, ce qui n'est peut-être pas facile. Mais avec un système commode de paiement par Internet qui rende efficace l'envoi d'un dollar à quelqu'un, un système que nous pourrions mettre dans tous les exemplaires de l'œuvre, alors je pense qu'on aurait un mécanisme viable. Cela peut prendre cinq à dix ans pour que l'idée se popularise, parce que c'est culturel vous savez. Au départ, les gens pourraient être un peu surpris mais une fois que cela serait devenu naturel, ils s'habitueraient à envoyer de l'argent. Ça ne représenterait pas beaucoup, comparé à ce que cela coûte d'acheter des livres aujourd'hui.
[il boit]
Aussi je pense que cette méthode pourrait connaître le succès pour les œuvres d'expression, et peut-être les œuvres esthétiques. Mais cela ne marchera pas pour les œuvres fonctionnelles. Et la raison, c'est que, si une personne après l'autre fait une version modifiée et la publie, sur quoi les boîtes de dialogue devront-elles pointer ? Et combien d'argent devra-t-on envoyer ? Vous savez, il est facile de faire ça quand l'œuvre a été publiée une seule fois, par un auteur déterminé ou un groupe d'auteurs déterminé, et qu'ils peuvent convenir ensemble de ce qu'ils vont faire avec la boîte de dialogue. Si personne ne publie de version modifiée, alors chaque exemplaire contiendra la même, avec une même URL dirigeant l'argent vers les mêmes personnes. Mais quand vous avez différentes versions sur lesquelles différentes personnes ont travaillé, il n'y a pas de façon simple et automatique de calculer qui doit recevoir quelle part de ce que tel utilisateur donne, pour cette version-ci ou cette version-là. Il est philosophiquement difficile de décider de l'importance de chaque contribution, et toutes les manières simples d'essayer de la mesurer sont à l'évidence mauvaises dans certains cas. Il est clair qu'elles ferment les yeux sur une partie importante des faits. Aussi est-il probable, je pense, que ce genre de solution n'est pas praticable lorsque tout le monde est libre de publier des versions modifiées. Mais pour les types d'œuvres où il n'est pas crucial d'avoir la liberté de publier des versions modifiées, alors cette solution pourra être appliquée très simplement, une fois que nous aurons un système pratique de paiement sur Internet pour lui servir de base.
En ce qui concerne les œuvres esthétiques, s'il y avait un système où ceux qui redistribuent commercialement – voire ceux qui publient une version modifiée – devaient négocier le partage des paiements avec le producteur de la version originale, alors ce genre d'arrangement pourrait être étendu aussi à ces œuvres, même si des versions modifiées étaient autorisées. Il pourrait y avoir une certaine formule standard qui pourrait être renégociée dans certains cas. Je pense que ce genre de paiement volontaire serait même envisageable dans certains cas avec un système qui permette de publier des versions modifiées des œuvres esthétiques.
Il y a, je crois, des gens qui essayent d'installer un système de paiement volontaire de ce style. J'ai entendu parler de quelque chose comme « le protocole de l'artiste de rue ». Je n'en connais pas les détails. Et je crois qu'il y a un truc appelé GreenWitch.com [note du transcripteur : URL incertaine]. Je crois que ces gens essayent d'installer quelque chose de plus ou moins semblable. Ce qu'ils espèrent faire, il me semble, c'est rassembler les paiements que vous effectuez à diverses personnes, pour finalement débiter votre carte de crédit une fois que la somme est assez importante pour rendre la transaction efficace. Il n'est pas certain que ce genre de système fonctionne assez bien en pratique pour qu'ils le mettent en place, ni qu'il soit adopté assez largement pour devenir une pratique culturelle normale. Il est possible que pour que ces paiements volontaires deviennent vraiment courants, nous ayons besoin d'un certain genre de… On a besoin de voir l'idée partout pour que de temps à autre… « Ouais, il faudrait que je paie ! » On verra.
Il y a des preuves que des idées comme celles-là ne sont pas déraisonnables. Regardez par exemple la radio publique aux USA, qui est la plupart du temps soutenue par les dons de ses auditeurs. Vous avez, je crois, des millions de personnes qui donnent. Je ne sais pas combien exactement, mais il y a beaucoup de stations de radio publiques qui sont soutenues par leurs auditeurs, et il semble qu'elles trouvent plus facile d'obtenir des dons au fil des ans. Il y a dix ans, pendant six semaines par an peut-être, elles passaient la majeure partie du temps à demander aux gens « S'il vous plaît, envoyez-nous un peu d'argent, ne pensez-vous pas que nous sommes assez importants ? » et ainsi de suite 24 heures sur 24. Et maintenant beaucoup d'entre elles ont constaté qu'elles peuvent obtenir ces contributions en envoyant des courriels aux gens qui leur ont envoyé des dons auparavant ; elles n'ont pas à passer leur temps d'antenne à faire de la retape pour les dons.
Fondamentalement, le but déclaré du copyright, encourager l'écriture, est un but valable, mais nous devons chercher des façons d'y parvenir qui ne soient pas si dures et pas si restrictives pour l'utilisation des œuvres dont nous avons encouragé l'éclosion. Je crois que la technologie numérique nous fournit des solutions à ce problème, après avoir créé un contexte qui nécessite sa solution. C'est donc la fin de cette conférence. Y a-t-il des questions ?
Questions et discussion
Tout d'abord, à quelle heure est la prochaine conférence ? Quelle heure est-il maintenant ?
Moi : Il est trois heures et quart.
RMS : Oh vraiment ? Donc je suis déjà en retard ? Bon, j'espère que Mélanie me permettra d'accepter quelques questions.
MA6 : Qui décidera dans lesquelles de vos trois catégories une œuvre rentrera ?
RMS : Je ne sais pas. Je suis sûr qu'il y a diverses manières de décider. Vous pouvez probablement reconnaître un roman quand vous en voyez un. Je subodore que les juges peuvent aussi reconnaître un roman quand ils en voient un.
MA7 : Des commentaires sur le chiffrement ? Et sur l'interaction des dispositifs de chiffrement avec les contenus sous copyright ?
RMS : Eh bien, le chiffrement est employé en tant que moyen pour contrôler le public. Les éditeurs essayent d'imposer divers systèmes de chiffrement au public afin de l'empêcher de copier. Ils appellent ces choses des méthodes technologiques, mais en fait elles s'appuient toutes sur des lois interdisant aux gens de les contourner, car sans ces lois aucune de ces méthodes n'atteindrait son but. Ainsi elles sont toutes basées sur l'intervention directe du gouvernement pour que les gens arrêtent de copier. Je m'y oppose très fortement et je n'accepterai pas ces supports d'enregistrement. Si en pratique les moyens de copier quelque chose ne sont pas à ma disposition, je ne l'achèterai pas. Et j'espère que vous ne l'achèterez pas non plus.
MA8 : En France nous avons une loi qui dit que même si le support est protégé vous avez le droit de le recopier pour le sauvegarder.
RMS : Oui, c'était aussi comme ça aux USA il y a encore deux ans.
MA8 : Très souvent vous signez un accord qui est illégal en France… le contrat que vous êtes censé signer avec une souris…
RMS : Eh bien, peut-être qu'il ne l'est pas.
MA8 : Comment pouvons-nous le contester ?
RMS : [avec emphase] Vous allez le contester ? Ça coûte de l'argent, il faut se donner du mal ; et pas seulement ça, comment allez-vous faire ? Bon, vous pourriez toujours aller au tribunal et dire : « Ils n'ont aucun droit de demander aux gens de signer ce contrat parce que qu'il n'est pas valide. » Mais ça pourrait être difficile si le distributeur est aux USA ; la loi française disant ce qu'est un contrat valide ne pourrait pas servir à les arrêter aux USA. D'autre part vous pourriez également dire : « J'ai signé ce contrat, mais il n'est pas valable en France, aussi je désobéis publiquement et je les défie de me poursuivre. » Ceci, vous pourriez envisager de le faire. Si vous aviez raison et que ces lois ne soient pas valables en France, alors l'affaire serait rejetée. Je ne sais pas. Peut-être que c'est une bonne idée. Je ne sais pas quels en seraient les effets politiques. Je sais qu'il y a juste deux ans une loi a été votée en Europe pour interdire un certain type de copie privée pour la musique ; les maisons de disque ont tanné quelques musiciens célèbres très populaires pour qu'ils fassent pression en faveur de cette loi, et ils l'ont obtenue. Aussi, il est clair qu'ils ont beaucoup d'influence là aussi, et il est possible qu'ils en obtiennent davantage, qu'ils fassent simplement voter une autre loi pour changer ça. Nous devons penser à une stratégie politique pour construire un électorat qui puisse s'opposer à de tels changements. Et les actions que nous menons devraient être conçues pour y arriver. Cela dit, je n'ai pas d'avis autorisé sur la manière d'y parvenir en Europe, mais c'est ce à quoi les gens devraient réfléchir.
MA6 : Que dites-vous de la protection de la correspondance privée ?
RMS : Eh bien, si vous n'êtes pas publié, c'est une question complètement différente.
MA6 : Non, mais si j'envoie un courriel à quelqu'un, il est automatiquement sous mon copyright.
RMS : [énergiquement] C'est complètement sans objet, en réalité.
MA6 : Non, je n'accepte pas cette réponse. S'il le publie dans un journal, pour le moment mon recours est mon copyright.
RMS : Eh bien, vous ne pouvez pas le forcer à en garder le contenu secret et, je n'en suis pas vraiment sûr, je veux dire qu'à mon avis il y a de l'injustice là-dedans. Si par exemple vous envoyez une lettre à quelqu'un menaçant de le poursuivre en justice, et qu'ensuite vous lui dites « Tu ne peux dire à personne que c'est moi qui ai fait ça parce que ma menace est sous copyright », ce serait assez détestable et je ne suis pas sûr que cela tienne devant un tribunal.
MA6 : Bon, il y a des circonstances où je veux correspondre avec des gens et garder ma réponse, et la leur, entièrement privées.
RMS : Si vous vous entendez avec eux pour la maintenir privée, alors c'est une question entièrement différente. Je suis désolé que les deux questions ne puissent pas être reliées. Je n'ai pas le temps d'en discuter aujourd'hui, il y a une autre conférence qui va bientôt commencer. Mais je pense que c'est une complète erreur d'appliquer le copyright à de telles situations. L'éthique de ces situations est complètement différente de l'éthique des œuvres publiées. Elles devraient être traitées d'une manière appropriée, totalement différente.
MA6 : C'est assez raisonnable, mais pour l'instant le seul recours qu'on a est le copyright…
RMS : [il interrompt] Non, vous avez tort. Si les gens sont d'accord pour garder quelque chose dans la sphère privée, alors vous avez un autre recours. En Europe il y a des lois sur la vie privée. Et l'autre chose, c'est que vous n'avez pas le droit de forcer quelqu'un à garder des secrets pour vous. Tout au plus pourriez-vous le forcer à paraphraser, parce qu'il a le droit de dire aux gens ce que vous avez fait.
MA6 : Oui, mais en supposant que de chaque côté les deux personnes soient suffisamment d'accord.
RMS : Alors ne dites pas que le copyright est votre seul recours. S'il est d'accord il ne va pas le donner à un journal, si ?
MA6 : Non, heu, vous évitez ma question au sujet de l'interception.
RMS : Oh, l'interception. C'est complètement différent… [âprement] non vous n'avez pas posé de question à propos de l'interception. C'est la première fois que vous avez mentionné l'interception…
MA6 : Non c'est la deuxième fois.
MA9 : [murmure son assentiment à MA6]
RMS : [toujours irrité] Je ne vous avais pas entendu avant… c'est totalement idiot… c'est comme essayer de… Oh, à quoi puis-je comparer ?… C'est comme essayer de tuer un éléphant avec un moule à gaufres, je veux dire qu'ils n'ont rien à faire l'un avec l'autre.
[un silence ininterprétable tombe]
MA10 : Vous avez pensé aux changements [inaudible, dans le domaine du secret industriel ?]
RMS : Hmm, oui : le secret industriel s'est développé dans une direction très inquiétante et très dangereuse. Autrefois, cela signifiait que vous vouliez maintenir secrète une certaine chose, donc que vous ne l'aviez dite à personne. Plus tard, la pratique s'est établie dans les affaires de dire à quelques personnes seulement une chose sur laquelle elles devaient accepter de garder le secret. Mais maintenant, ça prend une tournure où les personnes du grand public sont obligées de garder des secrets de fabrication, même si elles n'ont jamais convenu de quelque façon que ce soit de garder ces secrets. On fait pression sur elles. À ceux qui prétendent que le secret industriel représente la mise en œuvre de certains de leurs droits, ce n'est simplement plus vrai ; c'est un moyen d'obtenir l'aide explicite du gouvernement pour forcer les autres à garder leurs secrets. Nous pourrions même nous demander, au vu de de la nature antisociale du secret industriel, si d'une manière générale les clauses de confidentialité doivent être considérées comme légitimes. On ne devrait pas considérer comme automatiquement contraignante la simple promesse de garder un secret.
Peut-être que dans certains cas on devrait, et dans d'autres non. S'il y a un avantage clair pour le public à connaître le secret, alors peut-être que ça devrait invalider le contrat. Ou peut-être devrait-il être valide quand il est signé avec des clients. Ou peut-être entre une société et un… Peut-être que ça devrait être légitime quand une entreprise fournit des secrets à ses fournisseurs, mais à ses clients, non.
Il y a diverses possibilités auxquelles chacun peut réfléchir, mais le point de départ est que quiconque n'a pas accepté volontairement de garder ces secrets ne devrait pas être lié par le secret industriel. C'était comme ça il n'y a pas si longtemps encore. Peut-être que c'est toujours comme ça en Europe, je ne suis pas sûr.
MA11 : Est-ce acceptable qu'une entreprise le demande à ses…
RMS : employés ?
MA11 : Non non
RMS : fournisseurs ?
MA11 : Oui, fournisseurs. Et si le client est un autre fournisseur ?
[blanc pendant que le minidisque est changé]
RMS : Commençons par ne pas l'encourager.
MA12 : J'ai une question concernant votre avis sur le travail scientifique publié dans les revues et les manuels. Dans ma profession, au moins une revue officielle et un manuel sont disponibles en ligne. Ils gardent le copyright, mais il y a un libre accès aux ressources pourvu qu'on ait accès à Internet.
RMS : Eh bien, c'est parfait. Mais il y a beaucoup de revues où ce n'est pas comme ça. Par exemple, les revues de l'ACM 5 auxquelles on ne peut accéder que si l'on est abonné : elles sont bloquées. Aussi je pense que les revues devraient toutes commencer à ouvrir un accès sur le web.
MA12 : Alors quel impact cela a-t-il sur l'importance du copyright pour le public, que fondamentalement vous n'interfériez pas avec la mise en libre accès sur le web ?
RMS : Eh bien, tout d'abord je suis en désaccord. Les sites miroir sont essentiels. Ainsi, la revue devrait non seulement offrir un accès libre mais devrait également donner à chacun la liberté d'installer des sites miroirs avec des copies intégrales de ces articles. Sinon, il y a un risque qu'ils se perdent. Diverses sortes de calamités pourraient causer leur perte, vous savez : désastres naturels, désastres politiques, désastres techniques, désastres bureaucratiques, désastres fiscaux… toutes sortes de choses qui pourraient provoquer la disparition de ce site particulier. Ainsi, ce que la communauté scientifique devrait logiquement faire, c'est mettre tout son soin à créer un large réseau de sites miroirs en s'assurant que chaque article soit disponible sur chaque continent, depuis la côte jusqu'aux régions les plus reculées de l'intérieur. Et vous savez, c'est exactement le genre de chose que les principales bibliothèques considéreraient comme leur mission, si seulement on ne les en empêchait pas.
Aussi, ces revues devraient faire un pas de plus en avant. Non seulement elles devraient dire que tout le monde peut accéder au site, mais également que chacun peut installer un site miroir. Même si elles disaient « Vous devez publier cette revue entièrement, y compris nos annonces publicitaires », au moins cela réussirait à rendre la disponibilité redondante, pour qu'elle ne soit pas en danger. Alors d'autres établissements installeraient des sites miroirs, et je prévois que vous auriez dans dix ans un système officieux très bien organisé pour coordonner les sites miroirs et s'assurer que rien n'est oublié. À l'heure actuelle, installer le site miroir d'une revue pour des années coûte si peu que cela n'exige pas de financement spécial ; personne n'a à travailler très dur, il suffit de laisser les bibliothécaires le faire. Quoi qu'il en soit, oh, il y avait une autre question que ça soulevait… et je ne me rappelle pas ce que c'était. Oh, bon, n'en parlons plus.
MA13 : Le problème de financement pour les œuvres esthétiques… pensez-vous que la dynamique pourrait être… [inaudible] bien que je comprenne les problèmes de… Je veux dire qui contribue ? Et qui sera récompensé ? Est-ce que l'esprit du logiciel libre [inaudible]
RMS : Je ne sais pas. Cela suggère certainement l'idée à des gens. Nous verrons, je n'ai pas les réponses. Je ne sais pas comment nous allons y arriver, j'essaye de réfléchir à l'endroit où nous devons aller. Je ne sais pas comment nous pourrons y arriver. Les éditeurs sont si puissants qu'ils peuvent faire exécuter leurs ordres par les gouvernements. Comment allons-nous construire un monde où le public refuse de tolérer ça plus longtemps, je ne sais pas. Je pense que la première chose à faire est de rejeter clairement le mot « pirate » et les points de vue qui vont avec. Toutes les fois que nous entendons cela, nous devons faire entendre notre voix, dire que c'est de la propagande, qu'il n'est pas mauvais pour les gens de partager ces œuvres publiées avec les autres, que c'est comme de partager avec un ami, et que c'est bien. Et que partager avec un ami est plus important que l'argent gagné par ces éditeurs. Que la société ne devrait pas être façonnée selon leurs intérêts. Nous devons continuer… Parce que vous voyez, l'idée qu'ils ont répandue – que tout ce qui réduit leur revenu est immoral et que donc les gens doivent être restreints dans leurs activités par tous les moyens, pour garantir qu'ils seront payés entièrement, c'est ce principe de base que nous devons attaquer en premier. En général, la tactique des gens est de se concentrer sur des questions secondaires, vous savez… Quand les éditeurs exigent plus de pouvoir, les gens disent habituellement que cela causera une certaine sorte de préjudice secondaire, et basent leurs arguments là-dessus. Mais vous trouvez rarement quelqu'un (excepté moi) qui dise que la raison d'être du changement est mauvaise, que c'est une erreur de poser ce genre de restrictions, qu'il est légitime pour les gens de vouloir modifier les copies et que ça devrait leur être permis. Nous devrions être plus nombreux à le dire. Nous devons commencer à couper la racine de leur empire et pas simplement taillader quelques feuilles.
MA14 : [inaudible] ce qui est important, c'est de se concentrer sur le système de dons pour la musique.
RMS : Oui. Malheureusement, cette technique est couverte par des brevets qui semblent très probablement utilisables.
[rires, on crie « non » dans l'assistance]
RMS : Cela peut mettre dix ans avant qu'on puisse le faire.
MA15 : On prendra seulement les lois françaises.
RMS : Je ne sais pas. Je pense que je devrais rendre la parole à Mélanie dont la conférence devait commencer à trois heures. Et hue ! donc.
RMS reste debout en silence. Il y a une pause avant le déclenchement des applaudissements. RMS se tourne pour applaudir le gnou bourré de tissu qu'il a placé sur le rétroprojecteur au début de la conférence.